Depuis dix ans, industriels laitiers et producteurs livrent une bataille sur le mode de fabrication du camembert. Les producteurs défendent l'appellation d'origine protégée (AOP) dont bénéficie le "camembert de Normandie". Ce dernier doit respecter un cahier des charges précis : réalisé à base de lait cru provenant à 50% de vaches Normandes sur une aire géographique délimitée à trois départements: Calvados, Manche, Orne, ainsi que la frange occidentale de l'Eure. Quelque 5.000 tonnes de cet AOP sont produites chaque année. Reconnu comme le seul vrai camembert par les gastronomes et vendu aussi dans les pays limitrophes pour un chiffre d'affaires d'un peu plus de 43 millions d'euros, il emploie 1.400 personnes. En face, les géants de la laiterie française produisent dans leurs usines -de Normandie aussi- quelque 60.000 tonnes de camemberts industriels non AOP, vendus en grande distribution ou à l'étranger. 8.000 autres tonnes sont produites hors de Normandie. La plupart sont réalisés à base de lait pasteurisé, pour faciliter l'exportation vers des pays comme les Etats-Unis qui interdisent les pâtes au lait cru. Jusqu'à présent, les camemberts industriels venant d'usines normandes ont eu le droit d'inscrire "fabriqué en Normandie" sur leurs étiquettes, bénéficiant ainsi de l'image de l'AOP sans en avoir les contraintes, et entretenant la confusion dans l'esprit des consommateurs. Les AOP ont répliqué en assignant en 2012 les Lactalis, Bongrain et autres Isigny-Sainte-Mère en justice pour qu'ils retirent cette mention abusive. En mai et juillet, l'INAO a réuni les acteurs de la filière à Caen. D'ici la prochaine réunion en septembre, une solution doit être trouvée pour lever l'ambiguïté. Le principal fabricant d'AOP, Graindorge, qui a mené une bataille féroce pour défendre le lait cru face au pasteurisé, vient d'être racheté en juin.. par le principal industriel, Lactalis. L'une des portes de sortie serait la création pour le camembert industriel d'une "IGP" (indication géographique protégée), qui garantit l'origine tout en allégeant les contraintes de fabrication. A suivre ...
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